Sunday, June 24, 2012

Victor Fraser: artiste de la rue

Homme de lettres
Dans un blog récent sur la boutique de Laura Walters, je mentionnais qu’elle se trouvait non loin de la lettre “U” au coin des rues Coxwell et Danforth. J’en ai retracé l’auteur: Victor Fraser, un gars d’Ottawa établi à Toronto depuis 1989 (quand il n’est pas en voyage à enjoliver les trottoirs d’autres villes).
Histoire d'amour
La lettre "U" fait parti d’un projet amusant d’alphabet présenté sur 2 kilomètres du versant nord de la rue Danforth, entre les avenues Woodycrest et Woodmount. L’humour de Victor, plutôt philosophe, est évident quand on apprend qu’il a intitulé son oeuvre alphabétique “Love Letters” (Lettres d’amour). Ceci explique les jolis coeurs qu’on remarque sur plusieurs lettres.

Victor est à ses heures menuisier et créateur de vitrail (ce qui se reflète dans les lignes épurées de ses dessins). Mais il s’est développé une passion pour le dessin de rue quand il a constaté son potentiel pour briser la glace avec une foule de gens qu’il n’aurait pas rencontrés autrement.
Lorsqu’il est allé à New York pour assister à l’enregistrement “live” de son émission préférée The Colbert Report, il a entrepris en deux jours de dessiner le logo de l’émission devant les studios. Cette initiative lui a valu une accolade et une bonne poignée de main de Steven Colbert en personne. Scénario idéal pour un fan!
Générosité contagieuse
Il a bien vu l'impact de cet art sur la communauté et sur les enfants. “Il n’y a rien de tel que de provoquer un sourire chez les passants qui profitent des oeuvres.” On voit bien que l’artiste carbure à ce genre de réactions. Sur un clip accessible sur YouTube (YouTube: Victor Fraser), une  jeune femme demande à l’artiste quelle est sa raison d’être. Sa réponse (traduction libre): “Promouvoir la positivité sans aucun coût ni obligation pour la société.” 
Pour ce faire, tout ce qu’il lui faut, c’est décrocher quelques contrats corporatifs de “publicité de trottoir” (par exemple, il a dessiné des pochettes de CD pour la compagnie Sony) afin de continuer ses autres projets fous visant à rendre les villes plus intéressantes. Il en aurait plusieurs dans son sac.
Certains de ses projets sont plus en retrait que d’autres. En parlant avec l’artiste, j’ai réalisé qu’il était responsable de la magnifique roue des signes du Zodiak qui orne le belvedère surplombant le Don Valley au bout de la rue Chester Hill (qui croise Broadview à quelques minutes de marche au nord de la rue Danforth). Je l’avais remarquée l’été dernier lors d'une balade dans le quartier et je viens de voir que blog.to a déclaré ce coin l’un des meilleurs “makeout spots” de Toronto!
Dans le moment présent
Les créations de Victor Fraser sont livrées à la merci de la température, des passants... et des fonctionnaires de la Ville (c’est qu’il ne demande pas nécessairement la permission pour offrir ses services gratuits). Il estime que ses oeuvres peintes peuvent durer de 2 à 3 ans; il vient d’ailleurs de raffraîchir sa roue de la rue Chester Hill.
Il n’est pas étonnant que cette forme d’art éphémère parle à l’artiste. Il souffre d’une forme incurable d’arthrite violente, l’Ankalosing spondalitis, qui va en s’aggravant et peut mener à la fusion des os de l’épine dorsale. Ne sachant quand viendra le jour où il ne pourra plus se pencher sur ses oeuvres, l’artiste se concentre sur son art, aujourd'hui, en oubliant sa douleur.
Tout le monde y gagne.

(Chronique parue dans L'Express de Toronto du 26 juin 2012)























No comments:

Post a Comment